• Un athéisme érudit peut-il totalement remplacer sur Terre les croyances religieuses, surnaturelles ?

     Puisque les concepts et les croyances religieuses n’ont pas de réalité objective ; puisqu’ils s’avèrent une illusion de nos systèmes cognitifs couplés à une masse d’informations infondées mais sélectionnées depuis des centaines, voire des milliers d’années (voir Et l’homme créa les dieux de Pascal Boyer) ; alors il conviendrait d’envisager l’enclenchement d’un programme sanitaire destiné à, graduellement, faire comprendre aux “infectés” la nature même de leurs croyances religieuses et leur impact négatif lié à la dissipation vaine d’une gigantesque quantité d’énergie.

     

    Quels risques court l’espèce humaine si elle se débarrasse de ses illusions ?

     
    D’abord, il est fort improbable que cet état areligieux advienne. Et à supposer qu’il advienne, il souffrirait d’une instabilité chronique et certainement fatale. Pascal Boyer paraphrase le philosophe Robert McCauley : “[…] la science est aussi « antinaturelle » pour l’esprit humain que la religion lui est « naturelle »” p. 469. Boyer précise : “[…] l’activité scientifique est, tant sur le plan cognitif que sur le plan social, très improbable [car] bon nombre des systèmes d’inférences […] sont fondés sur des suppositions scientifiquement fausses. C’est pourquoi l’acquisition de connaissances scientifiques est généralement plus difficile que celle de représentations religieuses.” pp. 469-468 Difficile donc d’évincer les esprits, les miracles, les pêchés et la ribambelle de rituels associés. 

    Mais supposons, à titre d’expérience de pensée, que cette humanité areligieuse supplante cette collectivité d’individus humains bernés par la structure de l’élément qu’ils ne cessent de glorifier : leur cerveau humain. 
     

    1.     Le vide en forme de dieu 

    Les anciens croyants — et même ceux qui ne furent jamais croyants — ressentiraient peut-être un vide à combler, un “vide en forme de dieu” comme le nomme Dawkins (voir Pour en finir avec Dieu, p. 440). Quelle est la nature de ce vide ? Elle est multiple et varie beaucoup d’une culture à l’autre. Par souci de simplicité, je me cantonnerai ici aux fidèles des religions institutionnalisées, des monothéismes, au risque de pêcher par ethnocentrisme... Ce vide revête donc plusieurs formes : d’abord, une oreille compatissante et un gardien de l’espoir ; ensuite, une explication au non-sens qui nous entoure ; enfin, un bras vengeur — que cette vengeance soit dirigée contre autrui ou tournée vers soi. Même si Pascal Boyer insiste sur le fait que ces attributs de dieu ne sont pas les raisons fondamentales, organiques pour lesquelles l’on croit, il n’en reste pas moins que les croyants ressentent le besoin d’un tel dieu.

    L’athéisme peut-il combler ce vide ? Il est vrai que les dieux des monothéismes possèdent la faculté surnaturelle de capter tout à chacun qui s’adresse à lui, à n’importe quel moment, de n’importe quel lieu, sous quelque forme de communication (verbale, mentale, écrite) ou de langue que ce soit, et indépendamment du nombre de sujets communiquant simultanément à travers le monde. Croire en ceci attesterait d’une folie pure, selon Dawkins ; cependant, l’importance n’est pas la vraisemblance, mais la sensation d’être écouté. Et cette omniprésence (spatiale et temporelle) ne peut avoir d’équivalent dans l’athéisme. La société elle-même, les relations entre les individus pourraient pallier ce défaut, mais force est de se rappeler que la société se compose d’humains parfois indisponibles, parfois injustes, parfois déraisonnables, parfois fatigués,… Aucune comparaison possible avec une oreille abstraite qui écoute et comprend infatigablement sans requérir un retour d’ascenseur. Mais justement, les liens sociaux pourraient-ils se renforcer sans la présence d’un Big Brother divin ? À défaut de pouvoir s’entretenir avec une abstraction, les humains se replieraient peut-être vers leurs concrets voisins terrestres. Et peut-être miseraient-ils tout leur espoir en eux… L’idée n’est pas nouvelle, quantité d’athées l’ont déjà avancée : au lieu d’attendre l’avènement d’un bonheur dans un autre monde, nous devrions nous atteler à le créer ici-bas, là seul où la probabilité de bonheur n’est pas nulle. Reste à définir ce bonheur. 

    Venons-en au problème du sens de l’Univers. Les religions ont-elles la faculté de pourvoir à ce besoin typiquement humain ? Inutile de préciser que les religions sont bien moins parvenue à satisfaire cette quête que les sciences… mais je l’écris quand même. Dans Science et religion, Bertrand Russell le démontre clairement par des détails historiques. Le problème des religions institutionnalisées réside dans leur dogmatisme, quel qu’il soit. Or, l’acquisition, la construction du savoir se fait par un biais totalement opposé au dogmatisme (voir Des sources de la connaissance et de l’ignorance de Karl Popper). Même si les diverses sciences se montrent incapables de donner une explication ultime, réductionniste de l’Univers, même si l’Univers entier n’était pas réductible algorithmiquement (voir Pourquoi le monde est-il mathématique ? de John D. Barrow), elles donnent des théories bien plus vérissimilaires que les théories religieuses. Notons d’ailleurs que les théories de créations divines brillent par leur inaptitude à expliquer les formes du vivant au cours des ères, à un moment donné, ainsi que leur répartition géographique. N’en déplaise à monsieur Adnan Oktar, alias Harun Yahya…

    Une remarque s’impose : qu’entend-on par explication ultime de l’Univers ? Les physiciens cherchent une formule traduisible mathématiquement qui décrirait l’ensemble des phénomènes dans l’Univers et l’Univers lui-même. Cette formule n’aiderait pas plus à comprendre la raison ultime, le Graal de nombreux scientifiques, que les équations de Maxwell n’expliquent la raison de l’électromagnétisme… Aucune suite de symboles, aussi esthétique soit-elle, ne peut expliquer la raison de phénomènes ; elle peut juste les décrire et, dans certaines circonstances particulières, les anticiper. On serait tenté de dire qu’aucune équation ne peut donner une raison métaphysique de l’Univers. Alors justement, qu’entend-on chacun, implicitement ou explicitement, par ces termes : la raison de l’Univers. Je pense que la réponse se dissimule dans les termes mêmes : une raison, autrement dit la volonté d’un agent pensant. En somme, ce que beaucoup cherchent, c’est une volonté à l’origine de l’Univers. Mais derechef, cela n’expliquerait qu’une partie de la réalité. On connaît les sempiternelles questions : mais d’où vient le créateur, l’agent doué de volonté ? Les monothéismes parent la difficulté à l’aide d’un axiome : le Créateur est incréé et immarcescible. Nous n’avons plus qu’à gober cet œuf, au risque d’écoper une indigestion. Les sciences, quant à elles, proposeraient actuellement une solution à cette question de l’origine du créateur, question qui ouvre un vertigineux précipice dans l’infini : les individus humains sont des êtres sociaux possédant des systèmes d’inférences qui peuvent les inciter à chercher une volonté derrière tout objet, derrière toute action. Nos systèmes d’inférences n’infèrent-ils que des réalités ? Que nenni ! Quand un enfant voit une ombre projetée sur la tenture de sa chambre, ses systèmes cognitifs peuvent inférer aussitôt qu’il s’agit d’un agent (humain ou autre type d’animal, voire esprit maléfique…), alors qu’il ne s’agit probablement que d’un objet animé par le vent. Dawkins paraphrase le psychiatre évolutionniste J. Anderson Thomson : “[…] notre biais psychologique à tous […] consiste à personnifier en agents les objets inanimés. […] nous avons tous davantage tendance à prendre une ombre pour un cambrioleur qu’un cambrioleur pour une ombre. Un faux positif pourrait n’être qu’une perte de temps. Un faux négatif pourrait être fatal.” (Pour en finir avec Dieu, p. 187) L’interrogation sur la raison ultime de l’Univers ressortit probablement d’un même « biais psychologique ». Autrement dit, elle n’est certainement qu’une question grammaticalement correcte, mais vide de sens. “Ce n’est pas parce qu’une question peut être formulée dans une phrase grammaticalement correcte qu’elle a un sens ou qu’elle mérite de retenir notre attention et d’être prise au sérieux.” (op. cit. p. 77) En outre, notre faculté d’apprentissage et de construction de modèle a été façonné au cours de l’évolution dans les dimensions spatiales et temporelles que sont celle de chaque individu humain : nous sommes adaptés à notre monde proche. D’où notre difficulté à imaginer de gigantesques vitesses, à penser la taille d’une galaxie, à concevoir en une fois la complexité dans tous ses détails, à saisir la phénoménologie quantique. Notre capacité de construction de théories est étroitement enserrée dans la structure même de notre cerveau (cerveau aidé par les technologies de l’information). Il n’est pas impossible que notre cerveau ne puisse appréhender totalement l’idée d’une origine de l’Univers ; il n’est pas inenvisageable que notre cerveau soit à jamais incapable de créer une théorie satisfaisante qui concilierait notre besoin d’explication (mais nos explications sont toujours secondaires, et jamais primaires) avec notre besoin logique d’une obligatoire origine. Se servir prestement de l’explication “dieu”, serait au fond combler un “vide en forme de dieu” par l’usage d’un dieu bouche-trou (ce que les dieux du monothéisme ont souvent été…).

    Les monothéismes ont également la fâcheuse tendance à fournir le bras droit de la vengeance. Punition du non-respect des pratiques, excommunications pour crimes de la pensée — comme les nommerait Georges Orwell —, châtiments suite à la perpétration d’un des divers et innombrables pêchés — souvent farfelus —, etc. Sans compter toutes ces conquêtes passées et présentes, bien intentionnées et mortelles afin d’accroître le nombre de fidèles. Pascal Boyer explique ce trait des moins reluisants en se servant de la notion de coalition, de “l’extraordinaire propension humaine à la solidarité de groupe.” (Et l’homme créa les dieux, p. 416) “Les gens forment spontanément des groupes où un certain degré de confiance permet de coopérer et d’en retirer des bénéfices mutuels.” (op. cit., p. 181) “Une coalition est une forme très particulière d’association. […] Une coalition suppose une activité à laquelle on peut s’associer volontairement, où la défection est possible, où la coopération conduit à des bénéfices et où l’on est pénalisé si l’on coopère lorsque d’autres font défection.” (op. cit., pp. 181-182) Parmi les particularités que donne Boyer de ces coalitions, la suivante explique fort probablement le comportement vengeur des certains fidèles (et notamment des « gardiens de l’orthodoxie ») : “Les membres d’une coalition sont extrêmement soucieux de la loyauté des autres membres. Le fait que les autres membres du groupe soient ou non loyaux envers le groupe (que cela vous affecte directement ou non) suscite en vous des émotions fortes. Cela se manifeste de différentes façons : vous ressentez le désir de punir les gens qui ont quitté la coalition ; vous pouvez même avoir envie de punir ceux qui n’ont pas puni les coupables ; vous aimeriez soumettre certaines personnes à différentes épreuves pour vérifier leur loyauté.” (op. cit., p. 183) Cette propension à former des coalitions fait partie de notre bagage évolutif, et comme les comportements liés sont induits par des émotions et non par la raison, il est fort improbable que les humains puissent se débarrasser si aisément de cette tendance fondamentale — tendance que l’on rencontre aussi chez les scientifiques ; beaucoup de ces derniers doivent d’ailleurs fournir un énorme travail sur eux-mêmes afin de dépasser cette tendance au « groupisme » (terme forgé par Matt Ridley). En conséquence, Boyer propose une explication intéressante des châtiments publics (lapidation,…) : ils sont moins destinés à faire souffrir les « pêcheurs » mêmes, qu’à montrer aux autres membres de la coalition ce qu’ils encourent s’ils font acte de défection.

    Quels débouchés trouverait ce groupisme dans une société areligieuse ? L’athéisme basé sur les sciences a tendance à montrer que les notions de groupes (système de classification) nous aident à comprendre ce qui nous entoure, mais qu’elles ne sont pas incluses dans la réalité. Toute frontière entre ce que nous classons comme groupes demeure floue, imprécise, tortueuse. Parfois, l’histoire aide à trancher, à préciser les contours ; par exemple, au niveau de ce que nous définissons comme espèce : “[…] il n’y a pas de frontières naturelles dans l’évolution. L’illusion de frontière vient de ce qu’il se trouve que les intermédiaires dans l’évolution sont éteints.” (Pour en finir avec Dieu de Richard Dawkins, p. 384 — remarquez au passage la mauvaise qualité de traduction…). Il est toutefois concevable que l’athéisme scientifique ne puisse nous apporter de l’aide pour déterminer des groupes objectifs. Les groupes resteront dès lors toujours subjectifs, mais ils existeront tant que l’espèce humaine vivra. En outre, les groupes humains gardent constamment un noyau de dogmatisme, aussi infime soit-il. On peut donc parier sur une sélection au cours du temps de groupes qui entreraient en compétition, les plus efficaces et les plus résistants risquant d’être ceux qui se basent sur le fonctionnement même de nos systèmes cognitifs, donc ceux capables de les « parasiter », à l’instar des concepts et croyances religieux… Il est probable, mais non assuré, que l’éducation préventive ne suffise pas à éviter que nombre d’humains versent de nouveau dans la religiosité (les connaissances astrophysiques d’un Trinh Xuan Thuan ne le prémunissent pas des concepts religieux ; de même celle de John D. Barrow ne lui firent pas dédaigner le Prix Templeton en 2006…).

    Pour revenir à l’idée de vengeance, rappelons (mais est-ce encore nécessaire ?) que certains usent des religions pour attiser des sentiments belliqueux chez des croyants et, ainsi, pouvoir les manipuler afin de servir un but non-religieux. L’athéisme érudit ne peut motiver une guerre. “Je ne peux m’imaginer qu’une guerre ait été menée au nom de l’athéisme. Pourquoi ? Une guerre pourrait être motivée par la cupidité économique, par l’ambition politique, par les préjugés ethniques ou raciaux, par une croyance patriotique d’une nation à une destinée. Un motif de guerre encore plus plausible est la conviction inébranlable que sa propre religion est la seule vraie, renforcée par un livre saint qui condamne explicitement à mort tous les hérétiques et tous les adeptes des religions rivales, tout en promettant explicitement que les soldats de Dieu iront tout droit à un paradis des martyrs. […] au contraire, qui voudrait aller en guerre au nom d’une absence de croyance ?” (Pour en finir avec Dieu de Richard Dawkins, p. 353) 


            L’anthropocentrisme 

     Les monothéismes institutionnalisés ont eu la fâcheuse idée d’adhérer à un anthropocentrisme sans réserve. Je le dis tout de go : selon moi, cet anthropocentrisme est à rejeter. La raison principale ? Les dérives plausibles de celui-ci. La Vie (entendez l’ensemble des mécanismes du vivant, que ce soit au niveau moléculaire, sur le plan de l’individu, des espèces ou des interactions complexes entre tous les organismes vivants nichés dans un écosystème particulier ou global), la Vie donc n’est pas centrée sur l’espèce humaine. Les humains ne devraient pas non plus se centrer sur leur nombril, parce qu’à force de ne regarder que et qu’à soi, on finit par s’isoler et se retrouver seul. Certes, il serait ultra-simpliste de réduire à une cause les problèmes que rencontre l’espèce humaine, ainsi que les méfaits (conscients ou non) qu’elle commet sur les autres formes de vie autant que sur elle-même ; l’anthropocentrisme ne peut devenir le bouc-émissaire. Mais l’anthropocentrisme élevé au rang de dogme a eu — et a encore — des conséquences condamnables. Or, il peut sembler que les monothéismes institutionnalisées alimentent, entretiennent, pérennisent cette vision nombriliste. 

    Certes, une société areligieuse ne garantit pas la vaccination contre cette dérive égocentrique, mais peut-être serait-elle plus apte et encline à adopter une forme de biocentrisme. Peut-être un jour verra-t-on l’englobement des actuels Droits de l’Homme dans un texte intitulé “Devoirs des humains envers la Vie, y compris envers ses semblables”. 

      

     Conclusion 

     Il me semble qu’une société planétaire areligieuse est enviable. Il me semble également qu’elle seule peut nous permettre de faire face aux périodes difficiles qui s’annoncent. Elle ne constitue certes pas une condition suffisante, mais néanmoins nécessaire. Albert Jacquard et Edgar Morin prônent une réforme de l’enseignement, notamment dans le but de donner une vision plus globale et plus récente de la réalité dont nous faisons partie ; cette réforme devrait inclure, pour être vraiment globale et récente, les théories sur ce que s’avèrent être les concepts et les croyances religieux. L’enseignement étatique devrait en outre bannir de ses programmes les enseignements religieux (si ce n’est pour les critiquer) car, messieurs les Ministres de l’Éducation, la morale ne vient pas d’hypothétiques dieux ni des livres dits saints ; la morale est inhérente à notre organisme, elle est le fruit de milliers d’années d’évolution (voir Et l’homme créa les dieux de Pascal Boyer). Expliquer pourquoi nous sommes moraux sans faire appel à la religion ne nous rendra assurément pas moins immoraux que l’enseignement de balivernes mythologiques (concernant la genèse de la bible, voir La Bible dévoilée d’Israel Finkelstein et Neil Asher Silberman). Oserais-je m’exprimer ouvertement et sans détour ? Oserais-je dire qu’enseigner à un enfant une religion est, de nos jours, une aberration ? Mais si j’osais, la moitié de la population humaine lèverait les bras au ciel avec indignation… 

    Beaucoup d’organismes, d’associations, de groupes humains seraient plus sains s’ils n’étaient entachés par tout ce fatras religieux. Mais je n’oublie pas qu’il ne s’agissait dans cet article que d’une expérience de pensées. Je suis intimement convaincu que l’existence d’une société areligieuse, aussi avantageuse soit-elle, reste une utopie. Car nous ne sommes pas une poignée d’humains sur Terre ; nous sommes désormais sept milliards ! Sept milliards… Et quoi qu’on en dise, nous ne sommes pas égaux puisque nous n’avons pas vécu la même histoire : nous possédons chacun les acquis d’une éducation multiple (dispensées par plusieurs vecteurs) qui ne peut qu’amener aux désaccords. Tant que l’espèce humaine ne sera pas fanée, des croyances religieuses essaimeront sur le terreau des nouvelles générations. 

      

    Sénepse 

    « Questions sur les croyances et institutions religieusesLes fumeux Droits de l'Homme »

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  • Commentaires

    7
    Samedi 23 Septembre 2023 à 17:10
    Why people still use to read news papers when in this technological globe everything is available on net?
    6
    Lundi 3 Juillet 2023 à 09:21
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    Dimanche 6 Janvier 2013 à 16:42

    Monsieur Brunot,

    Merci pour votre commentaire. Via ce lien, vous en trouverez ma réponse. Elle est longue, sans doute incomplète, assurément mal structurée, et un brin provocatrice parfois, mais j’espère que cela n’entravera pas la continuité de nos échanges.

    Puis-je me permettre de vous demander une faveur ? Si comme je l’espère, vous commentez cette réponse, pourriez-vous écrire ce commentaire sous la réponse, s’il vous plaît ? C’est uniquement pour une question de structure du blog, et d’aisance de navigation pour les lecteurs potentiels. D’avance, je vous en remercie.

    Au passage, je signalerai une petite erreur : Edgar Morin n’a pas écrit Indignez-vous !, livre de Stéphane Hessel que j’ai d’ailleurs lu et dans lequel je n’ai pas trouvé de quoi faire un ramdam médiatique tel qu’il a provoqué…

    Bien à vous,

    Sénepse

    3
    François Brunot
    Jeudi 27 Décembre 2012 à 11:50

     

    Bonjour Sénepse,

     

     

    Un grand merci pour votre réponse développée et, contrairement à mes opinions, argumentée. J'ai terminé désormais la lecture de l'essai de Pascal Boyer, « Et l'homme créa les dieux » et je trouve sa théorie sur les inférences très enrichissante. Je me permets maintenant d'apporter mon point de vue sur vos interrogations.

     

     

    Mais dites-moi : quel réconfort peuvent trouver ces croyants ? Parce que dire que les religions apaisent ne suffit pas, il faut préciser.

     

    Préciser est délicat : je pense que ça doit être une question de sécrétion de dopamine dans le système nerveux central. Quant à en apporter la preuve, je ne le peux pas. Il s'agit de vécu (j'en parle plus loin)

     

     

    Peut-on affirmer que se savoir pécheur dès la naissance soit réconfortant ? Peut-on affirmer que les limbes, sorties comme un lapin magique du chef de la pensée scolastique au XIIIe siècle, et déclarées erronées en 2007, furent source d’apaisement durant plus de six siècles pour les jeunes parents et, surtout, pour ceux qui perdirent leur enfant avant de l’avoir baptisé ?

     

    Peut-on affirmer que se savoir pécheur dès la naissance soit réconfortant ? Je ne sais pas : les chats pensent-ils vraiment en allemand ? Nul ne le sait, à part les chats.

     

     

    Dans son Traité d’athéologie, Michel Onfray donne des exemples actuels de ce que les croyances religieuses peuvent avoir d’abject et de néfaste à l’intégrité corporelle et psychique d’une personne.

     

     

    A mon grand regret, je n'ai lu de Michel Onfray que « La puissance d'exister ». Dans le traité dont vous parlez, Michel Onfray présente-t-il également des éléments « à charge » de l'athéisme ou « à décharge » des religions ? Dans « la puissance d'exister », l'auteur précise qu' « Une Inquisition à l'envers n'est pas plus légitime ou défendable que celle de l'église catholique en son temps. La solution passe par d'autres voies : celles du démontage théorique et de la reconquête gramscienne par les idées. » (p.107).

     

     

    Supposons plutôt une “religion” personnelle, privée qui, comme vous le sous-entendez, peut ne causer aucun impact négatif sur la vie sociale. Et supposons que le but premier de cette religion intime soit d’apaiser le besoin métaphysique de l’individu humain. Qu’est-ce qui peut satisfaire — ou tendre à la satisfaction — ce besoin ? Une oreille compréhensive, compatissante probablement.

     

     

    Effectivement, vous avez raison, cette « religion personnelle » va dans le sens de ce que je donne à mon propos. Qu'entendez-vous par « besoin métaphysique de l'individu humain» ? Est-ce un besoin comme manger ou dormir ? J'avoue avoir du mal à comprendre. La satisfaction naît d'une activation du « circuit de la récompense » (notion propres aux neurosciences), je ne vois rien de métaphysique dans un fonctionnement physiologique.

     

     

     

    Le problème est que, trop heureux de tenir entre leurs mains le baume à appliquer sur leurs blessures mentales, les croyants prennent sensu proprio ce qui ne peut l’être, et cela au détriment de ce qui est dans les faits sensu proprio. « […] si l’allégorie pouvait se donner comme telle de façon avouée, voici ce qui se passerait : rien que cela lui enlèverait toute respectabilité, et par là toute efficacité.

     

     

     

    Je respecte vos opinions mais où est, objectivement, le « problème » ? Et mon avis personnel est qu'une allégorie ne retire par toute efficacité, mais il ne s'agit que d'un point de vue.

     

     

     

    Philalète préconise une attitude plus sage : « Dès lors, qu’on ne trompe personne, qu’on avoue de préférence ne pas savoir ce que l’on ignore, et qu’on laisse chacun se fabriquer soi-même ses articles de foi ! Peut-être ne prendront-ils pas aussi mauvaise tournure, pour autant qu’ils se frotteront les uns avec les autres et qu’ils se rectifieront mutuellement : à tout le moins la diversité des perspectives fondera une tolérance. » (p. 87) Sauf que ces articles de foi doivent tenir compte de ce que l’on n’ignore pas, et les analyses faites par Pascal Boyer, bien que sujettes à modification comme toute analyse scientifique, diminue notre ignorance sur certains domaines.

     

     

    Je suis tout à fait d'accord et j'aime bien cet extrait. Je vous remercie de me faire découvrir « Sur la religion ». Quant à la diversité des perspectives fondant une tolérance, il s'agit de notre monde moderne. Schopenhauer me semble visionnaire. Pascal Boyer a montré pour sa part que le fondamentalisme n'était que temporaire. Il vient d'ailleurs récemment d'obtenir un financement de 465 000 € de l'US Air Force pour des recherches sur l'esprit (cf son curriculum vitae sur son site internet : http://artsci.wustl.edu/~pboyer/PBoyerHomeSite/index.html).

     

     

     

    À partir du moment où vous constatez que les croyances religieuses des monothéismes entrent en contradiction avec ces modèles scientifiques, bien plus puissants que toutes ces mythologies, comment pouvez-vous ne pas vous opposer à ces croyances religieuses ?

     

     

    J'essaie de ne pas succomber au réflexe occidental d'opposer A contre B, je préfère l'approche dite « chinoise » qui consiste à faire avec A et B. La prise en compte d'opinions diverses et de leurs richesses me semblent plus constructives pour aborder le dialogue et des échanges avec des individus ne partageant pas mes points de vues. Je respecte donc la liberté de conscience, je privilégie la connaissance objective, je m'efforce de comprendre et je suspends tout jugement, ce qui est le propre de l'approche sceptique, voilà comment je peux ne pas m'opposer aux croyances dans le surnaturel.

     

     

     

    Si on vous laissait la possibilité, opteriez-vous pour une vision de la réalité imaginée, peuplée de surnaturel, ou pour une vision construite par les méthodes scientifiques ?

     

     

    Ça tombe plutôt bien puisqu'en l'occurrence j'en ai la possibilité. Je me prête donc volontiers au jeu d'esprit. Je choisirai les deux, le plus simplement du monde, en les combinant en tirant le meilleur de chacune. Et de votre côté ?

     

     

     

    Maintenant que vous avez lu le livre de Pascal Boyer, ou celui de Dennett (De Beaux rêves), préféreriez-vous ne jamais les avoir lus pour continuer à croire en une chose immarcessible que l’on nomme âme, et rejeter l’idée de parasitage des systèmes d’inférences par des idées propagées par la culture, donc par l’éducation ? J’en doute…

     

     

    Il semble que cette question « rhétorique » n'appelait pas vraiment de réponse de ma part, n'est-ce pas ?;) Il s'agit de votre tribune, je le comprends très bien. De plus, cet argument témoigne d'un effort d'élargir votre point de vue et je ne peux qu'applaudir la démarche. Ma réponse rejoint votre point de vue, je ne regrette absolument pas d'avoir lu ces livres. Pascal Boyer montre que les « blagues » et les « agents surnaturels religieux » sont des parasites efficaces de nos systèmes d'inférences et je trouve ça très instructif. Je comprends mieux le succès des « légendes urbaines ».

     

     

     

    Mais dites-moi, avec ces savoirs (qui entrent clairement en contradiction avec les croyances religieuses, qu’elles soient institutionnelles ou privées), êtes-vous plus malheureux ? Regrettez-vous de manquer de réconfort mental, manquez-vous d’apaisement ?

     

     

    A nouveau, ces savoirs n'entrent pas en contradiction avec les agents surnaturels, au contraire, ils confirment leur formation et leur efficacité dans le système nerveux central d'homo sapiens. J'apprécie la « naturalisation » des agents surnaturels qui leur donne un fondement scientifique. Et non, je n'en suis pas plus malheureux. Je vous remercie néanmoins pour cette sollicitude.

     

     

     

    Si votre maison brûle (ce que je ne vous souhaite pas, évidemment), trouverez-vous plus de réconfort en vous demandant pourquoi dieu a bouté feu à votre demeure (ou tout au moins la raison pour laquelle il n’a pas empêché sa destruction), ou n’aurez-vous tout simplement pas besoin de réconfort puisque vous supputerez “la faute” au hasard, ou en tout cas à l’absence de raison surnaturelle ?

     

     

    Si vous me permettez d'être créatif et imaginatif, je pense que devant une maison qui brûle, puisque j'ai déjà connu le cas (un chalet en montagne), j'essaierai de vérifier qu'il ne reste personne à l'intérieur, après quoi je tenterai pragmatiquement de limiter les dégâts. Il y aurait dans ce cas absence de raison surnaturelle.

     

     

     

    Et lorsqu’un proche meure, ne peut-on se satisfaire de la vision scientifique (néant de l’esprit, régénérescence dans les cycles de la biosphère,…) ? Ou faut-il désespérément croire en un au-delà surnaturel ?

     

     

    Je pense que oui, on peut se satisfaire de toute croyance ou point de vue. Le tout étant de traverser l'épreuve de la façon que chacun estimera la plus juste pour lui-même.

     

     

     

    Et si vous optez pour la vision scientifique, pourquoi ne pas la promouvoir pour les autres que vous ? Je veux dire, si comme moi vous ne ressentez pas le besoin de croire en du surnaturel pour vivre, pour connaître un apaisement, pourquoi ne pas penser que les autres pourraient connaître la même vision de la réalité sans en souffrir

     

     

    C'est votre liberté d'opinion et d'expression les plus absolues. Je ne me permettrai aucun jugement mais je critiquerai probablement ceux qui voudraient vous empêcher d'exprimer ce que vous pensez .

     

     

     

    Avanceriez-vous l’idée que par souci d’égalité, d’équité, de justice (pourquoi léser la foi, tout le monde a le droit de connaître la foi…), il ne faut pas mettre trop de poids dans le plateau du savoir — dans la balance que chacun a dans la tête — sinon ce serait au détriment du plateau de la foi ? Je suppose que non

     

     

    A nouveau, il semble qu'il s'agisse d'une question de rhétorique. Mais vous supposez bien, en effet.

     

     

     

    Mais alors, puisque Dennett, Boyer et j’en passe ont apporté de la matière au savoir, pourquoi ne pas tendre à ajouter cette masse dans le plateau de chaque individu, même si celle-ci concerne les croyances religieuses, l’âme, etc. ? Y aurait-il des savoirs que l’on n’aurait pas droit d’inculquer parce que la laïcité impose le droit de croire ?

     

     

    Je ne connais pas la situation dans d'autres pays mais j'ai été élevé dans ce qui est une particularité en Europe : l'école laïque et républicaine française. On ne m'a parlé que de savoir et jamais de religion durant ma scolarité laïque. Du moins, je n'en ai aucun souvenir. Je peux donc vous affirmer que ma « balance » est « chargée » de science ;-)

     

    Quant aux savoirs que l'on a pas le droit d'inculquer à cause de la laïcité il y en a, en effet, l'enseignement religieux au sein de l'école laïque.

     

     

     

    De même, on ne supprime pas les systèmes d’inférences (cela n’aurait d’ailleurs aucun sens), mais on explique que ces systèmes d’inférences peuvent être parasités. Si un organisme est atteint d’un virus, ne cherche-t-on pas le moyen de l’extirper de cet organisme ? Et ne cherche-t-on pas, au préalable, à élaborer des vaccins ? Le vaccin, dans ce cas-ci, ce pourrait être l’éducation.

     

     

    Pourquoi devrait-on considérer ces processus inconscients comme des « virus » ? Pascal Boyer explicite le fait que les concepts religieux, au même titre que les blagues, sont des parasites efficaces de nos systèmes d'inférences. Mais je ne vois pas la nécessité de les supprimer. Comme vous le précisez par ailleurs, l'éducation, qui utilise elle aussi des systèmes d'inférences (échange social), est efficace tant pour inculquer des préceptes religieux que pour sensibiliser à la méthode scientifique.

     

     

     

    Mais au lieu de parler de droit, je préfère parler en terme de devoir (voir l’article Les fumeux droits de l’homme). Plutôt que formuler l’idée d’un droit, je dirai que ni le système étatique, ni aucun parent, n’ont le devoir de propager les croyances religieuses. Je dirai même que les systèmes éducatifs ont le devoir de prémunir les enfants et les adolescents contre toute forme de parasitage mental

     

     

    Alors il s'agit de l'Inquisition à l'envers dont parle Michel Onfray.

     

    De plus, en France du moins, le système-étatique n'enseigne pas de croyances religieuses (sauf en Alsace-Moselle pour cause historique, j'espère d'ailleurs qu'une transition laïque sera effectuée un jour). Donc, en ce qui me concerne, j'estime que les systèmes éducatifs laïques remplissent globalement leur rôle.

     

    Quant aux parents, le respect de la liberté de conscience me semble évident.

     

    L'expression « toute forme » de parasitage mentale inclut-elle les « blagues », « légendes urbaines » et « croyances religieuses » ?

     

     

     

    Je vous pose encore une question : imaginez un homme qui a toujours vécu avec l’idée indétrônable que le Père Noël existe, et que cette idée l’apaise, le réconforte et semble non-nuisible dans la société. Diriez-vous alors que les droits prônés dans la laïcité lui autorisent à enseigner et à propager chez son enfant cette croyance, et à l’inculquer sans même lui donner un chouia d’esprit critique ?

     

     

    Absolument, la laïcité repose, entre autres, sur la tolérance, le droit de croire, le droit de ne pas être obligé de croire. Quant au rôle d'éducation des parents, il est explicité dans un texte supranational sur le droit des enfants. Je cite un extrait de l'article 14 de la Convention des Nations-Unies relative aux droits de l'enfant de 1989 :

     

     

     

    1. Les États parties respectent le droit de l'enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

     

     

    2. Les États parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l'enfant, de guider celui-ci dans l'exercice du droit susmentionné d'une manière qui corresponde au développement de ses capacités.

     

     

     

    Dans votre exemple, le parent donc dispose de la possibilité de propager sa croyance ou non.

     

     

     

    En fait, pour être complète, la laïcité doit premièrement retrancher un droit aux humains (celui de propager des fois, c’est-à-dire des systèmes, des paradigmes non-fondés sur une connaissance objective, et qui ne mettent pas en exergue tout ce qu’ils ne savent pas, ou ne pourront jamais savoir selon l’état actuel des connaissances).

     

    Secondement, la laïcité doit comporter un cinquième point : le devoir de favoriser et développer des systèmes éducatifs les plus au fait des connaissances conjecturales les plus récentes.

     

     

    Alors il ne s'agit plus de la laïcité telle que je la connais et qui pose comme fondements : droit de croire, droit de ne pas être obligé de croire et tolérance, neutralité philosophique et religieuse de l'état. Dans votre exemple, il s'agit du devoir de n'accepter que l'approche objective et d'éduquer les enfants dans cette approche. Sans compter qu'il s'agit d'une atteinte grave aux libertés d'opinions et d'expressions.

     

    Il s'agit peut-être d'une doctrine d'état intolérante d'un système politique scientiste mais ce type de doctrine nie jusqu'au fonctionnement biologique de l'être humain.

     

    Sur ce point, l'intolérance, cette « nouvelle laïcité » rejoint l'Inquisition qui pose aussi comme fondement la « supériorité » de sa doctrine et l' « infériorité » de celles des autres. Car enfin, au nom de quel critère objectif, peut-on empêcher la liberté d'expression ???

     

    Cette conception, ethnocentrique et discriminatoire, est actuellement à mes yeux totalement incompatible avec le développement d'une société tolérante et respectueuse des différences entre les êtres humains. Aucun peuple au monde n'acceptera librement de la mettre en pratique. Une telle négation des libertés humaines fondamentales est à mes yeux de la folie, un retour en arrière magistral à l'opposé de ce que les Lumières défendaient (liberté d'opinion, affranchissement des dogmes imposés, liberté de conscience, liberté d'expression).

     

     

     

     

    En somme, que les gens croient ce qu’ils veulent, mais que la caste des enseignants investis permettent aux futures générations de se débarrasser petit-à-petit de ces agents infectieux qui baignent dans l’océan des cultures.

     

     

    Cette évolution est en cours. Personnellement, je n'ai rien à redire à l'éducation que j'ai reçue à l'école républicaine : je n'ai jamais entendu parler de religion. Je ne fais pas de lien entre « enseignement » et « agent infectieux » transmis par l'enseignement. Mais il est vrai que je n'ai lu que « Indignez-vous » d'Edgar Morin, je reconnais donc que je suis loin d'avoir tout lu. Quel ouvrage me conseilleriez-vous s'il vous plaît ?

     

     

     

    Car même avec un dogme privé, personnel, un dogme qui nous est propre, nous pouvons nuire ; parce que nous réagissons en fonction de nos paradigmes, de l’ensemble le plus cohérent possible de nos idées.

     

     

    Vous prouvez par vous-même qu'un dogme prônant implicitement la « supériorité » de sa doctrine au point de chercher à « favoriser » sa vision de l'acquisition des connaissances et de s'ériger en juge moral des consciences peut effectivement nuire. En effet propager des idées liberticides peut nuire, je suis d'accord avec vous.

     

     

     

    Tout comme les évènements spatio-temporels se déroulent dans le cadre que forme le “tissu spatio-temporel”, de même nos actes — me semble-t-il — naissent dans notre paradigme (qui n’est pas figé au cours de notre vie).

     

     

    Je respecte votre opinion. Pour ma part je considère que mes actions sont des événements spatio-temporels. Je ne fais pas de distinction en deux origines séparées.

     

     

     

    La plausibilité d’une société areligieuse passe nécessairement par l’éducation. Mais les connaissances conjecturales ne suffisent pas, elles ne dispensent d’ailleurs pas d’un initial choix éthique. (À ce propos, la quête de savoirs ne peut se faire à n’importe quel prix, et il doit exister une éthique de la quête de connaissances ! Par exemple, une éthique qui, plaçant le respect de la Vie — donc des mécanismes vivants et des relations entre les éléments vivants — comme fondement, ne peut tolérer les manipulations génétiques sur les souris, les vivisections, les tests cosmétiques sur des rats, les opérations sur des singes non-humains, etc

     

     

    Je suis d'accord sur le fait qu'une société areligieuse passe nécessairement par l'éducation. De plus le respect de la vie me paraît, comme principe, évident.

     

     

     

    On pourrait remplacer les croyances religieuses par une philosophie areligieuse, en gardant à l’esprit cette définition de Schopenhauer : « La philosophie en tant que science n’a absolument rien à faire avec ce qui doit ou peut être cru ; mais seulement avec ce qu’on peut savoir. » p. 118

     

     

    Pascal Boyer tend à montrer que les croyances religieuses sont transmises de façon infiniment plus efficaces qu'une philosophie areligieuse. La solution est de combiner les deux, et c'est justement ce qui se passe dans le monde moderne. Les rédacteurs de magazines comme Science et les membres des comités de lecture, ne sont probablement pas des évêques, des ayatollahs ou des moines bouddhistes. Bien sûr, ça n'est qu'une hypothèse. Schopenhauer adhère à la vision dite de la « séparation des magistères » : l'approche scientifique s'occupe de ce qu'on peut savoir et ne se mêle pas de ce qui doit ou peut être cru. J'adhère entièrement à ce point de vue.

     

     

     

     

    Par contre, si j’hypothèque l’avenir de la vie en abreuvant mon plaisir avec d’édifiantes et hautement culturelles émissions de télé-réalité, alors quoi ? Dois-je laisser la primauté au plaisir ? Si l’électricité que j’utilise pour savoir qui sortira vainqueur de ce genre d’émission est produite par une centrale nucléaire, n’ai-je pas le devoir de m’abstenir ? Si, pour satisfaire mon plaisir gustatif, il est préférable d’ébouillanter vivant un homard, ou d’arracher in vivo les cuisses de grenouilles, je doute que le plaisir soit un bon étalon.

     

     

    Là je dirais qu'il s'agit de votre liberté de conscience. Mais puisque vous posez déjà les questions, cela montre que vous êtes capable de scepticisme et de remise en cause. Je trouve ça très positif.

     

     

     

    Ainsi, dans une optique utilitariste, le bonheur de tous, ou plutôt la moindre douleur pour tous, on peut poser la question de l’utilité de la télévision, du chocolat, de la musique et de l’art en général. Ceci, toutefois, n’a aucun lien avec notre discussion sur la religion, puisque je ne souhaite pas une Terre areligieuse pour supprimer une source d’apaisement.

     

     

    Je suis d'accord avec vous, la question peut en effet être posée. Le cas s'est produit d'ailleurs très récemment en France : la restauration collective est incitée à limiter pour des raisons de santé publique la dose de sel ingérée par ses clients. Je mange donc depuis quelques mois des menus préparés avec peu ou pas de sel. La question de la moindre douleur pour tous a donc été posée et à généré des effets (http://www.cuisinecollective.fr/dossier/la-minute-nutrition/articles.asp?id=5).

     

     

     

    Suite à la lecture de votre commentaire, une question me taraude : pourquoi liez-vous ataraxie et religion ?

     

     

    Pour des raisons liées au comportement de l'espère humaine. J'ai assisté à des rituels religieux chrétiens et j'ai acquis par expérience et par discussions la certitude que, d'un point de vue éthologique, la recherche de satisfaction conditionne bien le comportement qui consiste à participer à des rituels religieux.

     

     

     

    Et enfin, en guise de conclusion, voici quelques amuse-esprits de Schopenhauer :

     

     

    « […] les religions sont comme les vers luisants : elles ont besoin de l’obscurité pour éclairer. » (p. 91)

     

    « Semblable à un vêtement d’enfant, la religion n’est plus à la taille d’une humanité en croissance ; et rien n’y fait : il craque. » (pp. 172-173)

     

    « Cependant, pour en revenir à l’essentiel tu as raison d’insister sur le fort besoin métaphysique de l’homme. Mais les religions, me semble-t-il, ne signifient pas tant l’apaisement que l’abus de ce besoin. » (p. 114)

     

    « Destra de la cruz esta el diablo. » [Derrière la croix se trouve le diable. Proverbe espagnol.] p. 176

     

     

    L'essai de Pascal Boyer montre bien que l'obscur (mort, cadavres) produit de nombreuses inférences. De plus, contrairement à Pascal Boyer, je pense que Schopenhauer était affecté d'un biais ethnocentrique plus fort. Schopenhauer écrivait-il contre le christianisme ou contre toutes les croyances du monde ? Avez-vous des éléments de réponses car la dernière phrase me fait grandement douter ? Je pense que Schopenhauer présente des arguments très pertinents et justes dans une diatribe contre le christianisme spécifiquement.

     

     

     

    "P.S. : Au fait, savez-vous pourquoi le 1er janvier tombe... le 1er janvier ? Pourquoi avoir opté pour cette position de la Terre en regard du Soleil ? Pourquoi dix jours après le solstice d'hiver, et non pas huit, ou douze ? Juste une question au passage..."

     

     

    Ce sont de bonnes questions mais je n'en ai pas la moindre idée. Et de votre côté ?

     

     

     

    A nouveau un grand merci pour votre réponse et la richesse des arguments présentés (citations de Schopenhauer entre autres).

     

     

    A l'écoute de vos commentaires.

     

     

    Bonnes fêtes de fin d'année.

     

     

    Cordialement.

     

     

    François Brunot.

     

     

     

    2
    Senepse Profil de Senepse
    Mercredi 26 Décembre 2012 à 14:40

    Monsieur Brunot,

    Vous trouverez une réponse à votre commentaire en suivant ce lien. En effet, de par sa longueur, cette réponse nécessitait de faire l'objet d'un article en soi.

    Soit dit en passant, je vous propose la lecture du dossier du dernier numéro de Philosophie Magazine (n°65 de décembre 12 - Janvier 13) dans lequel est traitée la question de l'idée de Dieu. Incroyable, l'ingéniosité avec laquelle certains s'efforcent de garder une notion de dieu, et quelles concessions ils sont capables de faire. En outre, l'interview de Richard Swinburne est un monument de l'intelligence humaine...

    Je vous souhaite à mon tour de bons moments durant les fêtes de fin d'année, et une année 2013 porteuse de nombreuses découvertes.

    Cordialement,

    Sénepse

     

    P.S. : Au fait, savez-vous pourquoi le 1er janvier tombe... le 1er janvier ? Pouquoi avoir opté pour cette position de la Terre en regard du Soleil ? Pourquoi dix jours après le solstice d'hiver, et non pas huit, ou douze ? Juste une question au passage...

    1
    François Brunot
    Vendredi 21 Décembre 2012 à 13:03

    Bonjour cher Sénepse,

    Je vous remercie pour cet article. Ayant commencé à lire, sur votre proposition par ailleurs, Et l'homme créa les dieux de l'ethnologue Pascal Boyer, je serai plus mitigé sur le futur de la religion et sur les mesures à entreprendre à son égard.

    Pascal Boyer montre que homo sapiens (c'est nous , une espèce particulière de grand singe apparue il y a environ 300 000 ans en Afrique) utilise des inférences inconscientes lorsqu'il appréhende son environnement. D'où l'inférence de la contamination responsable du pur et de l'impur. Ainsi les jésuites, chrétiens catholiques, refusaient au XVIème d'incorporer des juifs convertis dans leurs rangs au prétexte de la "pureté de sang" (voir article Limpieza de sangre sur wikipédia). Scientifiquement et rationnellement, j'en connais maintenant la raison. Et ce, en partie grâce à vous.

    Citation : "Je suis intimement convaincu que l’existence d’une société areligieuse, aussi avantageuse soit-elle, reste une utopie"

    Je vous rejoins sur ce point. Il s'agit d'une utopie. Cependant il me paraît pas nécessaire d'éliminer la religion. La raison est empathique : on supprimerait à des individus une source de satisfaction et un moyen d'éviter des douleurs et des souffrances.

    D'un point de vue biologique, nous ne retirons pas un sens physique, comme le toucher, à un individu au motif qu'il pourrait nuire avec. Ainsi, je ne vais pas couper un bras à mon voisin au prétexte qu'il pourra s'en servir pour me poignarder. De là, il s'ensuit qu'on ne peut pas punir un individu de percevoir des images mentales au seul motif qu'il pourrait visualiser un être imaginaire et qu'il pourrait donc s'agir d'un comportement religieux.

    Citation : "Il me semble qu’une société planétaire areligieuse est enviable. Il me semble également qu’elle seule peut nous permettre de faire face aux périodes difficiles qui s’annoncent."

    Je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point. Je propose d'utiliser un raisonnement absurde. Quitte à supprimer des sources de satisfactions, en plus de la religion, pourquoi ne pas supprimer aussi le chocolat, la musique, la télévision et l'art en général ?

    Il m'apparaît clairement que les sentiments religieux comme l'ataraxie ne sont pas dangereux. De même les dogmes ne le sont pas davantage. Libre à moi de croire que Jésus est le fils unique d'un dieu des juifs, je vois mal comment je pourrai nuire avec une idée pareille dans mon mental.

    Ce qui est nuisible c'est plutôt l'instrumentalisation, l'utilisation à des fins de manipulations de ces dogmes. Le danger est le mélange religion et pouvoir politique, ou religion et pouvoir militaire. Christopher Hickens, dans son livre "Dieu n'est pas grand" utilise abondamment des exemples d'utilisation des religions à ces fins particulières. La liste des souffrances, massacres et exactions est maintenant assez bien connue, inutile de revenir dessus mais je recommande la lecture de ce livre.

    La solution pour moi est donc le laïcisme, ou la laïcité. C'est un concept qui, en France du moins, repose en théorie sur tous les points suivants (un seul est insuffisant) :

    - séparation de l'état avec les religions, les philosophies et les convictions privées

    - refus d'octroyer des droits spéciaux aux membres de religions ou philosophies particulières

    - respect et tolérance de la liberté de culte mais possibilité de critiquer les pensées des religions

    - émancipation des hommes et des femmes (respect de la liberté de conscience : droit de ne pas croire, droit de croire en ce que l'on veut).

    Voilà pour mes remarques. Merci encore pour l'article.

    Très bonnes fêtes de fin d'année.

    Cordialement.

    François Brunot.

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