• Citations "L'Enfermement planétaire" d'André Lebeau

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    0. À méditer

     

    Pourquoi la disparition de l'espèce est-elle, pour l'individu, plus difficile à concevoir et surtout à accepter que la perspective, certaine, de sa propre mort ? Pourquoi est-elle perçue comme une catastrophe dont la seule évocation jette une ombre sur l'existence présente ?

    p.  16

     

    La Terre, porteuse de l'humanité et de sa technique, fonctionne comme un système que l'on peut disséquer, mais non pas dissocier.

    p. 124

     

    Dans cette vulnérabilité des sociétés contemporaines susceptibles de basculer dans le totalitarisme, la simplicité du message capable de mobiliser les masses et sa facilité à se propager dans les masses humaines revêtent une importance capitale. Peu importe que ce message ait une apparence religieuse, politique ou idéologique, l'essentiel est qu'il soit prescriptif et qu'il possède cette aptitude à se diffuser pour laquelle la simplicité est une qualité essentielle.

    p. 224

     

    […] j'invite chacun à tenter de percevoir çà et là, dans la vanité du tapage médiatique et dans l'insignifiance des débats politiques, le grondement encore lointain de la menace, mais aussi peut-être à guetter, dans certaines actions, la faible déchirure de l'espoir.

    p. 372

     

     

    1. À retenir

     

    […] les systèmes vivants et inanimés présents dans la biosphère exercent un pouvoir de stabilisation qui a maintenu pendant trois milliards d'années un équilibre propre à l'épanouissement de la vie. Cette vision de la biosphère conduit directement à l'idée que, si l'action de l'homme excède les capacités de régulation de Gaia, elle basculera vers un autre état d'équilibre qui ne sera pas nécessairement adapté à l'existence humaine.

    p.  25 & 26

     

    Détruire la Terre ou la stériliser sont des entreprises qui se placent au-delà des possibilités humaines et des effets d'un désastre nucléaire. […] Ce qui, en revanche, est parfaitement envisageable, c'est une régression de la société humaine.

    p.  28

     

    La modélisation des systèmes purement physiques appelle plusieurs commentaires. D'abord, il n'est nullement nécessaire qu'un système soit complexe pour être intrinsèquement imprévisible au-delà d'un certain horizon. On sait construire, avec quelques aimants ou quelques pendules, des systèmes mécaniques dont les mouvements sont imprévisibles à échéance de quelques secondes, et cela bien que l'on sache parfaitement écrire les équations simples qui régissent ces mouvements.

    Par ailleurs, l'existence d'un horizon de prévisibilité ne signifie aucunement que l'on ne sache plus rien du système au-delà de cet horizon. Certaines propriétés moyennes demeurent accessibles. C'est toute la différence entre la prévision déterministe du temps - le temps qu'il fera tel jour à telle heure en tel endroit - et la prévision du temps moyen, du climat. S'étonner que l'on cherche à prévoir le climat à échéance d'un siècle alors que l'on a renoncé à prévoir le temps au-delà de trois semaines est une marque d'ignorance.

    p.  60

     

    […] l'espèce humaine face à un dilemme qu'elle ne pourra éluder : payer le prix du déni ou faire évoluer les valeurs qui la gouvernent.

    p.  86

     

    Le développement et la croissance ne sont concevables pour les pays développés que s'ils se fondent sur un creusement des inégalités et des déséquilibres que contiennent tant bien que mal les frontières nationales.

    p.  94

     

    Au total, c'est l'existence du système technique conjuguée à la croissance de la population humaine qui pose la question de ce qu'un environnement fini pourra supporter et pendant combien de temps.

    p.  99

     

    La biosphère terrestre […] n'est nullement "soucieuse" de préserver la présence de l'homme, et aucun mécanisme n'interviendra pour prévenir son basculement éventuel vers un autre point d'équilibre incompatible avec la survie, parmi beaucoup d'autres espèces, de l'espèce humaine. Lorsque l'on parle de "sauver la planète", ce n'est nullement du salut de la planète qu'il s'agit, mais de celui de l'homme. [C'est moi qui souligne.]

    p. 122 & 123

     

    Les constructions des rapports du Club de Rome suscitent deux types de réactions. Elles opposent diamétralement ceux qui reconnaissent l'importance et l'urgence du problème global, mais dont les préconisations ne s'inscrivent pas dans une démarche réaliste, et ceux qui nient le problème, ou qui, sans le nier, considèrent que les crises apporteront avec elles leur solution. Aucune de ces réactions ne gouverne ni n'éclaire l'avenir.

    p. 159

     

    Le glissement de la rationalité à la fois qui transforme les doctrines en idéologies, en systèmes prescriptifs auxquels l'individu doit conformer sans plus de réflexion son comportement, témoigne d'un caractère général de l'homme en tant qu'être social. Dans la façon dont la société humaine réagira à des contraintes globales, cet aspect de la nature de l'homme est promis à jouer un rôle déterminant.

    p. 213 & 214

     

    [Lebeau cite Diamond :] "Peut-être une clef du succès ou de l'échec pour une société est-elle de savoir à quelles valeurs fondamentales se tenir et lesquelles écarter, voire remplacer par de nouvelles [quand les temps changent]", et il souligne combien "il est douloureusement difficile de décider qu'il faut abandonner certaines valeurs centrales quand elles semblent devenues incompatibles avec la survie".

    p. 231

     

    Les formes que revêtent ces crises, les instruments avec lesquels la société les affronte, les voies qu'elle emprunte et les constructions culturelles sur lesquelles elle s'appuie pour les gérer sont héritées du passé historique.

    p. 248 & 249

     

    L'objectif général que le système libéral assigne à une économie nationale, et en fonction duquel il juge de sa santé, est la croissance. Cette croissance est mesurée par l'évolution d'une quantité, le produit intérieur brut (PIB), qui fait la somme de toutes les richesses produites et tous les services fournis au cours d'une période déterminée, généralement une année. Divisé par le chiffre de la population, le PIB fournit une quantité, le PIB par tête, qui mesure la richesse moyenne dont dispose chaque individu. […] En définissant la croissance comme une augmentation du PIB et la récession comme sa diminution, on évacue donc de l'appréciation de la situation économique le concept de patrimoine, richesse naturelle ou résultat accumulé du travail humain. [cf. Paradoxe de la vitre brisée.]

    p. 254 & 255

     

    […] le marché est myope. Il est, en fait, délibérément myope et il néglige la détérioration du patrimoine. Il est en outre indissolublement lié à la croissance de la production dans la mesure où il repose sur la compétition entre les entités productrices, et la croissance au sens du PIB possède pour le pouvoir politique un attrait irrésistible, ne serait-ce que parce qu'elle est, dans le court terme, le remède le plus efficace que l'on connaisse au chômage.

    p. 257

     

    La discipline économique [:] Les facteurs qui contribuent à la rendre inopérante sont nombreux : recours exclusif à un outil de mesure inadapté, la monnaie, rôle dominant des facteurs exogènes dont l'évolution est inaccessible à l'outil économique, non prise en compte du "patrimoine naturel", c'est-à-dire de toute richesse qui n'est pas le fruit du travail, qui n'est pas produite ou qui l'a été il y a si longtemps qu'elle a disparu des comptes. Tous ces aspects concourent à fonder l'élaboration des décisions exclusivement à partir des nécessités du court terme. On prépare ainsi le heurt avec les nécessités du long terme.

    p. 258 & 259

     

    La thèse selon laquelle il est dangereux de plaider pour un arrêt de la croissance économique, pour une société à croissance nulle, repose sur des arguments qui ne manquent pas de solidité. En premier lieu, personne n'a une idée claire de la façon dont une telle société pourrait fonctionner et encore moins de la façon dont une transition vers un tel état de la société pourrait être maîtrisée.

    p. 258

     

    Les déterminations génétiques de l'espèce ont été façonnées par son évolution dans un environnement illimité et ne sont nullement adaptées au caractère fini de l'espace planétaire.

    p. 270

     

    […] on ne peut pas négocier avec la Terre ni la menacer ; c'est un partenaire avec lequel la notion de compromis n'a pas cours.

    p. 276

     

    Au-delà de leur source commune, les négationnismes déploient une grande diversité de méthodes et de modes d'expression, diversité qui reflète celle de leurs porte-parole. On y trouve gens (sic) de toutes sortes, y compris une petite composante de scientifiques qui, tout naturellement, prétendent s'attaquer aux fondements mêmes du problème, c'est-à-dire à la validité des prévisions. […] Ces scientifiques ont en commun deux caractères : ils n'appartiennent pas à la communauté des climatologues, ce sont des spécialistes d'autres disciplines, et ils s'expriment, non dans la littérature scientifique, mais directement dans les mass media, quotidiens en mal de lecteurs ou chaînes de télévision en quête d'Audimat.

    p. 298 & 299

     

    La confrontation s'organise autour de deux conceptions opposées de l'espèce humaine. L'une, fermement enracinée dans la tradition judéo-chrétienne, considère que l'homme est une créature à part, capable de développer "une technologie ou un changement social pour surmonter un obstacle, et que ces développements se produisent instantanément dès que l'obstacle est perçu", la conception opposée dit que l'homme est une espèce parmi celles qui ont le mieux réussi, mais que "son succès le conduit à détruire et à simplifier le réseau naturel sur lequel il s'appuie et qu'il comprend très médiocrement". Et les tenants de cette conception ajoutent très lucidement : "Nous ne voyons aucun moyen objectif de résoudre ces différences de vue sur l'homme et sa place dans le monde" ; c'est là le propre des conflits idéologiques.

    p. 305 & 306

     

    Assigner la pérennité à l'espèce humaine revient […] à vouloir pour l'homme un statut étranger à celui de l'ensemble du règne vivant. Cette altérité est volontiers considérée comme allant de soi, mais elle ne possède aucune base empirique.

    p. 326

     

    Pour que le comportement de l'espèce humaine puisse s'orienter vers la pérennité, c'est le comportement des masses humaines, celui de bientôt neuf milliards d'hommes, qu'il est nécessaire de transformer.

    p. 327

     

    Construire la logique d'une conduite globale est sans doute un préalable indispensable pour lequel l'homme est assez bien armé, mais la diffusion est l'élément critique du processus, celui qui assure le passage de l'exercice intellectuel à l'action. […] Dire que c'est la seule voie qui s'offre revient à reconnaître deux choses. D'abord aucune solution au problème de la survie ne peut être dictée par une volonté centrale si les déterminations culturelles individuelles dont dépendent étroitement les comportements collectifs ne sont pas transformées. […] En second lieu, que le seul élément sur lequel on puisse agir - sauf à s'engager dans des fantasmes post-humains - est le patrimoine culturel de l'humanité.

    p. 328 & 329

     

    La planète est indifférente à la survie de l'homme.

    p. 330

     

    Le problème concret auquel nous confrontent les échéances les plus probables est de savoir comment va répondre la structure actuelle de la société à la montée des tensions et à la prise de conscience de leur caractère irréversible et inéluctable. Cela concerne non seulement les nations développées, mais aussi, et surtout, les masses humaines que leur idéologies et leur misère rendent tout à la fois impénétrables à la raison et vulnérables aux séductions idéologiques.

    p. 364

     

    En regard, on ne peut qu'être frappé par le prodigieux narcissisme avec lequel la pensée contemporaine se penche sur l'homme, pénétrée du préjugé de sa singularité. C'est l'héritage des dogmes religieux et la source d'un aveuglement fondamental devant ce qui semble une certitude empirique : la planète traitera l'homme comme un animal ordinaire.

    p. 369

     

    Une autre faiblesse du comportement humain tient à l'incapacité de percevoir l'unité de la menace sous la diversité de ces aspects.

    p. 370

     

    Le désir de maintenir le "cours naturel des choses" jusqu'à ce qu'il soit trop tard est la plus grande menace que l'humanité fasse peser sur elle-même. Cette tendance s'habille de toutes sortes de déguisements seyants, fantasmes techniques ou négation de l'évidence, sous lesquels se dissimule le refus de voir en face la nécessité.

    p. 370

     

    Enfin, la plus grande des menaces qui pèsent sur l'humanité est celle qui résulte de sa division en États gardiens des intérêts et des privilèges de leur peuple comme de l'intégrité de leur territoire. C'est dans la solidité de cette structure que s'ancre le plus profondément la volonté de préserver les avantages acquis.

    p. 371

     

    [Le] seul atout [de l'humanité] est l'édifice culturel qu'elle a constitué et qui possède la capacité unique de réagir sur lui-même, ce qui en fait l'analogue d'une conscience collective. Cela peut sembler une arme fragile devant l'ampleur des dangers qui menacent et devant les disparités d'accès des masses humaines à cette ressource, mais c'est la seule arme dont nous disposions et qui nous distingue - peut-être - d'une colonie animale enfermée dans un espace trop étroit.

    p. 372

     

     

    3. Intéressante

     

    En amont de ce pronostic, l'analyse de l'évolution technique et de ses effets est l'analogue du diagnostic médical ; quant au traitement, il ne peut être abordé sans des choix éthiques concernant les objectifs que l'on assigne à l'existence de l'humanité et l'acceptabilité des moyens mis en œuvre.

    p.  16 & 17

     

    Dans Le Principe responsabilité, Hans Jonas prend l'éthique comme point de départ d'une interrogation sur les menaces de l'avenir : "L'essence de l'agir humain s'est transformée ; et comme l'éthique a affaire à l'agir, l'affirmation ultérieure doit être que la transformation de la nature de l'agir humain rend également nécessaire une transformation de l'éthique." Ce choix conduit inéluctablement à introduire dans les fondements de la démarche un élément métaphysique - "la suprême obligation de conservation" - et une partialité en faveur de la "prophétie de malheur" qui découle de la valeur infinie attachée à la préservation de "la présence de l'homme dans le monde".

    p.  18

     

    Les critiques s'organisent pour l'essentiel autour du thème de l'évolution technique future comme remède à tous les problèmes de saturation de l'environnement global. Cette vision se construit autour d'un paradoxe, car, s'il est concevable que l'évolution technique puisse modifier les échéances, il n'en reste pas moins qu'elle est, par la puissance des prélèvements qu'elle rend possibles sur les ressources planétaires, la source centrale du problème que l'humanité affronte.

    p.  77

     

    Les comportements, façonnés par l'héritage génétique et par l'acquis culturel de l'espèce, sont influencés par la vision de l'avenir dont elle est porteuse. La clarté de cette vision est le seul élément qui soit de nature à infléchir la trajectoire héritée d'un passé dont toute perception des limites de l'espace planétaire et même toute vision de l'avenir lointain étaient absentes. Rien n'a préparé l'espèce à ce à quoi elle va être soumise.

    p.  85

     

    […] la seule considération de l'évolution de la population mondiale conduit à deux certitudes. La première est que, dans le meilleur des cas, la population atteindra 8 à 9 milliards dans les prochaines décennies, ce qui signifie 60 habitants au kilomètre carré et 18 ares de terre arable pour chacun d'eux. […] La seconde certitude est que le nivellement par le haut des inégalités est radicalement impossible. La notion d'"empreinte écologique" […] a été introduite pour déterminer, en fonction du revenu par tête et d'une "efficacité technologique", la surface productive - terres exploitable et zones côtières - utilisée pour satisfaire les besoins d'un individu. On l'évalue à 3,5 hectares pour un Européen et à 5 hectares pour un Américain. Amener la population mondiale actuelle au niveau occidental de consommation des ressources exigerait plusieurs planètes. […] On mesure là ce qu'ont de fallacieux et de dérisoire les perspectives que l'on évoque sous le thème du "développement durable".

    p.  93 & 94

     

    […] entre une vision partagée par un groupe d'"intellectuels" et les déterminations génétiques ou culturelles qui gouvernent le comportement des grands groupes humains, il existe un fossé aussi profond que celui qui sépare le technique de la science-fiction, suffisamment large pour que s'y glisse l'utopie ou, à tout le moins, le rêve.

    p. 158

     

    Cette question des limites qu'il convient d'assigner à la pertinence de la démarche réductionniste prend souvent l'apparence d'un débat théologique avec toutes les violences - verbales en l'espèce - que cela comporte. […] Je le considère tout au contraire comme médiocre et inutile. Médiocre, parce qu'il est encombré de relents dogmatiques qui évoquent fâcheusement les querelles scolastiques d'un autre âge ; inutile, parce qu'il ne fait en rien progresser la connaissance. Son seul intérêt, à mes yeux, est d'être en soi un phénomène social que l'on pourrait étudier, qui agite des cercles intellectuels et que semble nourrir un certain chauvinisme disciplinaire. […] En fait, la connaissance progresse tantôt par une démarche réductionniste, tantôt par l'étude directe des phénomènes émergents.

    p. 169 & 170

     

    […] quelle que soit la part de [la détermination génétique et de la construction contingente dans cette morale sociale], il reste que le fonctionnement sociétal repose sur une base plus fragile que celle dont disposent les sociétés d'insectes ; il n'est maintenu que parce que la société se dote de structures propres à le garder en mémoire et à le maintenir.

    p. 218 & 219

     

    […] Diamond [dans Effondrement] identifie quatre formes de "décisions désastreuses" : l'incapacité d'anticiper un problème avant qu'il ne se manifeste, l'incapacité de percevoir un problème alors qu'il   est présent, l'incapacité de résoudre - ou même de tenter de résoudre - un problème alors qu'il est perçu, le maintien d'un système de valeurs sociales inadaptées à la situation nouvelle.

    p. 230 & 231

     

     [Lebeau cite Gustave Le Bon :] "[…] La simplicité et l'exagération des sentiments des foules les préservent du doute et de l'incertitude."

    p. 245

     

    On s'abstient en général de parler de croissance durable pour éviter une contradiction dans les termes qui soit trop flagrante, mais le vocabulaire pudique de "développement durable" - hypocrisie ou naïveté - dissimule mal la même réalité. Comment échapper à cette contradiction entre croissance et limites, tel est le problème central auquel est confrontée la société humaine.

    p. 247

     

    [Lebeau cite Bertrand de Jouvenel :] "On dirait que l'exercice du pouvoir, qui est comme une énorme extension de la main, s'accompagne d'un rétrécissement concomitant de la vision."

    p. 247

     

    Infléchir les comportements globaux est une tâche rendue extraordinairement difficile par le fait que toute inflexion visant le long terme entraîne inévitablement des tensions à court terme.

    p. 249

     

    Or rien n'est plus contraire à la maîtrise de la relation de l'espèce humaine avec sa [sic] planète que cette tendance à la division et à l'affrontement collectif, fondée sur la fidélité au groupe.

    p. 272

     

    […] l'instinct grégaire associé à l'instinct de dominance est la source profonde des structures sociétales hiérarchisées présentes dans le monde.

    p. 336

     

     

    4. Neutre

     

    La vision que l'homme s'est faite juxtapose en effet deux dimensions qui demeurent distinctes. La connaissance lui présente l'image d'un phénomène infime dans un Univers qui, aux échelles de temps que l'esprit humain peut concevoir, possède les attributs de l'éternité. […] À cette connaissance se juxtapose, sans s'y fondre ni s'y mêler, la quête d'une transcendance qu'exprime le sentiment religieux et que formalisent les grandes religions aussi bien que les sectes. Entre ces deux modes d'appréhension du monde, croyance et connaissance, une frontière infranchissable sépare l'Univers observable de celui que construit l'acte de foi.

    p.  14 & 15

     

    […] les ressources en énergie, en matières premières, en production alimentaire, en eau potable et en espace vital sont soumises à des tensions qui ne peuvent s'accroître indéfiniment sans que se produisent soit des ruptures, soit de profondes transformations des comportements collectifs.

    p.  14

     

    Là réside une difficulté majeure dans la construction d'une vision de l'avenir ; les comportements collectifs ont le caractère de phénomènes émergents dont le lien avec les déterminations individuelles ne relève pas d'une rationalité simple. On peut considérer que les individus agissent pour une part, en fonction de la vision qu'ils se forment du futur, pour une autre en fonction de leur interaction avec la société et, enfin, sous l'influence des déterminations génétiques propres à l'espèce.

    p.  26 & 27

     

    Le regain d'attention pour les "catastrophes" procède de la capacité de la technique humaine d'en engendrer de nouvelles, par erreur ou par terreur, qui viennent s'ajouter à celles que déclenche la nature […].

    p.  36

     

    […] malgré ce risque cosmique qui pèse sur la fragilité de notre habitat terrestre, on doit constater que, tout au long de son évolution, l'espèce humaine n'a jamais été mise en danger d'extinction par les catastrophes naturelles. Il en ira tout autrement des catastrophes techniques.

    p.  39

     

    Dans l'analyse des menaces qui pèsent sur l'avenir de l'espèce humaine, il convient […] d'échapper à la fascination des catastrophes et d'accorder une attention centrale aux évolutions progressives susceptibles d'enfermer l'espèce humaine dans une impasse fatale.

    p.  42

     

    L'ensemble des composants de la biosphère forme un système complexe qui acquiert de lui-même un équilibre stable sous l'effet de rétroactions internes. Cet équilibre n'est pas invariable. Il présente des évolutions […]. Mais ces évolutions sont en général assez lentes pour que les diverses formes de vie aient le temps de s'y adapter.

    p.  49

     

    Les contraintes anthropiques sur la biosphère s'analysent en fonction de leurs sources : prélèvements sur les ressources minérales ou vivantes, transformation des biotopes, augmentation des densités de population humaine, rejet de déchets solides, liquides ou gazeux par l'activité technique. Elles s'analysent aussi en fonction de leurs effets : carence d'aliments, d'énergie ou d'eau potable, altération du climat et pollution de l'environnement, destruction de la biodiversité, détérioration de l'état sanitaire des populations.

    p.  51

     

    Au total, la surface habitée de façon permanente n'a guère évolué depuis les débuts de l'histoire. La densité de population a crû dans des proportions énormes, à mesure de la croissance démographique, mais l'espace vital dont elle dispose a peu changé, malgré la puissance des moyens techniques disponibles. […] l'élargissement de la zone occupée par le système technique ne s'accompagne pas d'un élargissement de la zone habitée par l'homme.

    p. 102

     

    La source principale du rythme de l'extinction des espèces vivantes, et donc de réduction de la biodiversité, réside aujourd'hui dans l'occupation de l'espace aux fins de production de ressources alimentaires, animales ou végétales, à quoi s'ajoute la prédation immodérée des ressources vivantes des océans.

    p. 108

     

    Le mécanisme d'altération du climat est d'une extrême complexité, introduisant des incertitudes scientifiques légitimes et limitées, mais qui ouvrent aussi la porte à un négationnisme sincère ou, le plus souvent, intéressé.

    p. 113

     

    La satisfaction des besoins humains et de ceux de la vie terrestre repose exclusivement sur l'eau douce, qui représente moins de 3 % de la masse totale présente sur la Terre. En outre, la plus grande partie de cette eau douce, environ 70 %, est immobilisée sous forme de glace dans les inlandsis polaires et dans les permafrosts.

    p. 116

     

    La décennie semble l'unité de temps appropriée pour appréhender le phénomène de confrontation aux limites de la planète, alors que l'évolution culturelle d'une population, rythmée par la durée de la vie humaine, relève plutôt du siècle.

    p. 127

     

    […] seuls comptent dans la réaction à l'enfermement les comportements collectifs à grande échelle. Ils peuvent être le fait d'une structure sociale organisée ou d'une convergence de comportements individuels […]. Les comportements individuels n'ont d'importance et ne pèsent que dans la mesure où ils entraînent des comportements collectifs. […] Les processus par lesquels on passe de l'initiative individuelle aux mouvements collectifs sont donc décisifs.

    p. 153

     

    Quelle différence y a-t-il entre le peuple allemand tel que nous le connaissons aujourd'hui et le peuple allemand à l'apogée du nazisme ? […] Génotype et phénotype étant disqualifiés, seul reste comme source de ces écarts le contenu des mémoires neuronales des individus.

    p. 181 & 182

     

    […] Crédo, slogan, devise, mot d'ordre… Leur effet est de simplifier ou de supprimer, entre les convictions et l'action, l'intermédiaire de la réflexion, source de diversité des comportements individuels.

    p. 182 & 183

     

    La croissance de la population a conduit […] à une appropriation complète et permanente des terres émergées par des groupes humaines structurés qui sont aujourd'hui, dans presque tous les cas, des États-nations. C'est l'aboutissement d'un processus amorcé lorsque l'homme, animal social, s'est attaché collectivement à un territoire par la pratique de l'agriculture. Le processus millénaire est aujourd'hui accompli.

    p. 189

    […] Mesuré à l'aune de consommation des ressources par l'individu, [le progrès] est promis à s'arrêter. […] Cela conduit à identifier les vulnérabilités des systèmes techniques sur lesquels reposent les nations, puis à examiner comment les contraintes, agissant sur ces vulnérabilités, peuvent déstabiliser les systèmes sociopolitiques.

    p. 193 & 194

     

    À la différence de l'enfermement planétaire, le confinement national n'est pas étanche. Il ne crée pas des ensembles isolés, mais des ensembles entre lesquels interviennent des échangent qui sont tout à la fois nécessaires à la survie des populations et vecteurs de dépendances et de menaces. […] L'évolution du système technique a permis une croissance démesurée des échanges planétaires et des menaces qui les accompagnent sans pour autant supprimer les vulnérabilités locales.

    p. 196

     

    Le système d'échanges est ainsi tout à la fois puissant et d'une grande fragilité. […] Il semble très probable qu'il ne résisterait pas à un conflit planétaire brutal, et on peut dès lors s'interroger sur la capacité qu'aurait la population mondiale de se replier sans désastre planétaire […]. Au cours du dernier demi-siècle, les relations d'interdépendance ses sont accentuées dans une mesure telle qu'une régression de cette nature est devenue problématique et provoquerait, de façon certaine, des catastrophes humanitaires.

    p. 202

     

    […] Il serait naïf de croire que ce type de conflit entre le court terme et l'avenir a comme seule source l'évolution du climat ; on le rencontre aussi lorsqu'il s'agit du massacre des espèces animales ou de la destruction des forêts. Il constitue une des bases du comportement de l'espèce humaine et pose un problème central à ceux qui se préoccupent d'éthique.

    p. 210 & 211

     

    Tout le système économique occidental vise à maximiser la croissance, généralement mesurée par celle du PIB, et à maximiser les profits des structures de production et de services. Dans cette optimisation, le long terme n'est pas pris en compte, et dès qu'on l'introduit sous quelque forme que ce soit, on s'écarte de l'optimum à court terme, ce qui signifie que des intérêts sont lésés sans qu'il en résulte, dans l'immédiat, de bénéfice perceptible. […] Dès lors, le plus simple pour les tenants des intérêts concernés est de nier la réalité de la menace […] et d'utiliser à cette fin leurs accès aux médias, leur influence sur les centres du pouvoir politique et la vénalité de certains membres de la communauté scientifiques.

    p. 210 & 211

     

    L'attitude occidentale qui considère la liberté individuelle et les droits de l'homme comme des valeurs universelles est-elle une manifestation d'arrogance ? Le débat demeure ouvert. Les valeurs asiatiques mettraient l'accent sur la conformité à la communauté plutôt que sur la liberté de l'individu. Je n'entrerai pas dans ce débat parce qu'il suppose un choix de valeurs qui est extérieur à mon propos […].

    p. 226

     

    Pour une société humaine enfermée dans une enceinte territoriale, les sources primaires de tensions endogènes sont l'évolution technique et la croissance de la population qui, l'une et l'autre, transforment - et le cas échéant engagent dans une impasse - la relation de la société avec son environnement immédiat. […] Quant aux tensions exogènes, elles sont issues de la dépendance de la société à l'égard des ressources extérieures à son territoire et la rivalité avec d'autres sociétés pour l'accès à ces ressources. L'une et l'autre tension se résolvent par des adaptations progressives ou par des crises dont les formes ultimes sont la guerre civile et la guerre étrangère.

    p. 228 & 229

     

    La pensée fruste selon laquelle l'évolution du système technique - après les avoir engendrés - résoudra ces problèmes est l'une des plus communes qui soient ; si commune que, dans les cercles économiques, on se borne souvent à l'affirmer comme une vérité d'évidence […] sans tenter aucunement de la justifier.

    p. 232

     

    Les efforts de certaines écoles d'économistes pour appréhender de façon plus approfondie l'interaction entre la technique et l'économie prennent très rarement en compte les problèmes de saturation de la biosphère.

    p. 251

     

    Avec l'arme balistique nucléaire, on a ainsi échangé les guerres sanglantes du passé récent contre une paix armée assortie d'un risque de catastrophe globale.

    p. 265

     

    À cette fin, la description de la société humaine peut être ramenée […] à un nombre réduit d'éléments : une division en territoires nationaux de l'espace habitable, des structures de pouvoir dont les unes sont ajustées à ces territoires et d'autres sont diffuses, des masses humaines imprégnées de façon plus ou moins homogène d'idéologies, un rapport de dépendance mutuelle entre ces idéologies et les structures de pouvoir, et, pour finir, un système technique qui permet aux composantes nationales d'interagir fortement entre elles à l'échelle de la planète. L'ensemble de ces éléments est le résultat d'une évolution demeurée indépendante, jusqu'à une époque très récente, de toute influence des limites globales de l'espace vital. Elle n'a de ce fait subi aucune adaptation à la prise en compte de ces limites.

    p. 284

     

    […] deux phénomènes très généraux qui interviendront dans la plupart des réactions à l'enfermement : l'interdépendance des différentes dimensions du problème global et les divergences entre l'intérêt global et les intérêts particuliers des acteurs.

    p. 293

     

    [À propos de la croissance démographique :] Ce n'est qu'au niveau des organisations internationales que le problème global est perçu et étudié, mais sans que le savoir correspondant s'accompagne de préconisations. Il est trop clair que la présence de deux éléments - la liberté individuelle qui s'attache aux activités de procréation et l'effet direct qu'aurait toute interférence internationale sur les équilibres entre nations - décourage toute velléité d'intervention.

    p. 295

     

    Plus importante est la qualification d’"authentiquement humaine" dont Hans Jonas assortit l'impératif de permanence de la vie humaine : durer, mais pas à n'importe quel prix. La limite entre une vie "authentiquement humaine" et la simple survie de l'animal humain est nécessairement floue. On peut se demander à quelle époque du passé lointain elle fut atteinte et si, dans certaines régions du globe, celles qui s'enfoncent dans la misère et dans la famine, elle n'est pas déjà transgressée.

    p. 325 & 326

     

    Les actions, quelles qu'elles soient, que l'on peut envisager pour faire face à la perspective de l'enfermement posent la question de leurs objectifs spécifiques, celle de leur nature et celle de leur cohérence avec un objectif global. Cet objectif global […] n'est pas donné par la nature. Il procède d'un choix dépourvu de base empirique et consiste à refuser la fin de l'humanité.

    p. 325

     

    […] nous devons reconnaître que le choix de ce postulat [celui de l'impératif de la pérennité de l'espèce humaine], quels qu'en soient les fondements ou même s'il n'en a aucun, introduit inévitablement une altérité de l'espèce humaine. Toutefois, ce n'est pas cette altérité qui va déterminer les contraintes de l'action. Ce sont tout au contraire les besoins élémentaires de l'espèce - ceux des corps - qui vont le faire, et ces besoins sont en parfaite identité de nature avec ceux des autres espèces vivantes.

    p. 327

     

    Propager une idéologie nouvelle dans toute l'humanité n'est plus aujourd'hui une entreprise sans espoir.

    p. 328 & 329

     

    L'impératif de pérennité implique que l'on définisse une limite de la population mondiale, limite dont tout indique qu'elle est déjà dépassée.

    p. 333

     

    Dans la logique de ce qui précède, les obstacles à l'adaptation de l'humanité aux limites de la planète ont la nature d'entraves à l'évolution de son système culturel.

    p. 343

     

    À supposer que l'évolution des structures sociétales […] conduise [à l'émergence d'une gouvernance mondiale], il resterait à s'interroger sur la forme de société que privilégierait cet état de choses. Il n'est nullement acquis que la démocratie libérale, ou la démocratie tout court, en soit la forme stable. Il convient donc de s'interroger sur la vulnérabilité à une dérive totalitaire d'une gouvernance où tous les moyens d'exercer la contrainte seraient concentrés en un seul pôle.

    p. 363

     

    L'émergence d'une gouvernance mondiale, objet de tant de désirs utopiques, peut apparaître à certains comme la clef d'une maîtrise du futur. Mais s'il est facile de concevoir les formes qu'elle pourrait prendre, on ne voit guère, en revanche, les moyens d'y accéder, les cheminements qui pourraient mener à faire plier l'égoïsme collectif des nations devant l'intérêt global de l'humanité.

    p. 363

     

     

    5. D'accord

     

    […] les formes que va revêtir la collision de l'humanité avec les limites de la planète seront régies par les comportements collectifs de l'espèce. En la matière, la clarté de la vision d'un individu isolé, la pertinence de ses préconisations n'ont évidemment aucun effet à moins que, d'une façon ou d'une autre, ils ne se propagent et ne déterminent des comportements collectifs.

    p.  26

     

    […] si l'on considère que Gaia est le système constitué de toutes les formes de vie et des composantes physiques de l'environnement que la vie affecte, on peut parfaitement considérer que la stabilité de ce système est assurée par des rétroactions internes auxquelles participe la composante vivante. Il n'est pas nécessaire pour autant d'admettre qu'il est porteur d'un dessein ni d'utiliser, pour exprimer cette stabilité, un langage finaliste.

    p.  50

     

    Si l'on savait fonder une prévision du comportement collectif sur une formalisation de l'individu humain et de la variabilité individuelle, on pourrait imaginer que l'histoire devienne prévisible. […] Mais formaliser mathématiquement le comportement humain et en tirer des prévisions déterministes sur l'avenir de la société appartient de plein droit au domaine de la science-fiction.

    p.  68 & 69

     

    Pourtant, il est clair que la limite des ressources environnementales sur lesquelles se fonde l'existence humaine aurait été atteinte depuis longtemps si la technique humaine n'était intervenue pour la repousser.

    p.  95

     

    On est en droit  de s'interroger sur les sources de l'explosion démographique à laquelle nous assistons. Elle est d'abord le phénomène de pullulement d'une espèce qui a réussi, en s'appuyant sur les techniques qu'elle développe, à éliminer tous ses prédateurs et à asservir, pour la satisfaction de ses besoins, de nombreuses espèces animales et végétales : rien d'autre que ce que l'on peut attendre, en de telles circonstances, du jeu normal de la sélection naturelle.

    p.  95

     

    L'altération de la niche écologique globale est […] le premier élément de certitude sur lequel on puisse fonder une vision de l'avenir.

    p. 126

     

    Le cinquième commandement du Décalogue, "Tu ne tueras pas" […]. Comme on l'a souvent relevé, cette prescription s'applique au sein du groupe - la tribu d'Israël, en l'occurrence - et nullement aux êtres humains extérieurs au groupe, pas plus, d'ailleurs, qu'aux animaux. On objectera qu'il s'agit de l'Ancien Testament, mais la pratique du christianisme n'a rien changé, en fait, à cet état de chose, sinon comment comprendre l'immense traînée de sang que trace son sillage au long des siècles ?

    p. 269

     

    […] le langage des sciences de la nature est avare de certitudes. Il est au contraire attentif à préciser les marges d'incertitude qui s'attachent aux prévisions qu'il formule. On ne peut éliminer ce caractère sans dénaturer la démarche scientifique, mais inévitablement il donne prise aux négationnismes soucieux de la préservation d'intérêts immédiats.

    p. 297

     

    Cependant, réfuter les écrits des écologistes militants ou des négationnistes me semble une entreprise vaine, car chacun sait que la rigueur ne fait pas partie des contraintes qu'ils se donnent.

    p. 304

     

    Il est tout à fait remarquable que n'existe aucune école de pensée digne de ce nom, aucun conflit d'idées significatif concernant le concept, pourtant aisé à appréhender, d'effectif optimal de l'humanité et, par voie de conséquence, aucune préconisation, fût-elle controversée, sur les moyens d'atteindre cet effectif.

    p. 331

     

     

    8. À vérifier

     

    Le thème du Jugement dernier et celui de la fin du monde, les terreurs millénaristes témoignent d'une angoisse globale concernant la solidité des choses terrestres.

    p.  15

     

    Le rythme de l'évolution climatique tel qu'on le constate dès aujourd'hui est beaucoup trop élevé pour que l'évolution naturelle puisse la suivre et y adapter les espèces.

    p. 125

     

    […] à la différence des crises du passé provoquées par des "ambitions néfastes", les crises présentes - et celles de l'avenir proche - tendent à avoir "des origines positives ; elles résultent d'actions qui, à l'origine, furent le fruit de meilleures intentions des hommes." [Les mots entre guillemets correspondent à des citations de Mihajlo Mesarovic et Eduard Pestel faites par André Lebeau.]

    p. 159

     

    Peu importe, en ce qui concerne l'action, que ce choix [celui qui consiste à refuser la fin de l'humanité] soit considéré comme dicté par Dieu ou comme l'expression de la liberté de l'homme vis-à-vis de son destin. Ses conséquences sur l'action n'en sont pas affectées.

    p. 325

     

    101 citations